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Réforme des retraites : retour sur deux années de rencontres entre l’Etat, la CARPV et la profession vétérinaire (Par JC GUILHOT – Secrétaire général de la CARPV)

Posté le 11 février 2020

La réforme des retraites voulue par le Président de la République va être présentée au Parlement à partir du 17 février.

Les incertitudes constantes sur le projet final, les nombreuses réunions sans avancées concrètes et l’absence de consensus ne nous ont pas permis de  tenir la profession vétérinaire informée en temps réel sur ce sujet au moyen de notre canal habituel de communication papier, « l’Actu de la CARPV », principalement en raison de délais trop longs entre écriture et parution, autour d’un sujet dont l’évolution était souvent hebdomadaire. Certains pourraient  l’interpréter comme une absence d’implication de la CARPV  contre le projet. Il n’en est rien, notre Président et notre Trésorier se sont déjà exprimés dans la presse vétérinaire, en témoigne un article sans concession de François Courouble sur le projet de réforme (DV n° du 17 Décembre 2019).

Le Conseil d’Administration de la CARPV souhaite  revenir sur ces deux années de négociations actives durant lesquelles, les caisses de retraite des professions libérales ont répondu aux différentes convocations de nos dirigeants politiques, sans réussir à se faire entendre. Nous vous proposons ici un résumé des rencontres que nous avons pu avoir avec les services de l’Etat.

La première phase de rencontres a été conduite dès décembre 2017 par le HCRR avec les représentants des différentes caisses de profession libérales reçues séparément. Il n’a jamais été question de négocier quoi que ce soit sur ce projet. Ces réunions visaient à présenter la réforme telle quelle avait été décidée en haut lieu : un Régime Universel avec des cotisations assises sur une assiette de 3 plafonds de la Sécurité Sociale (PASS), soit 120 000 euros, afin de pouvoir y englober 98% des actifs et surtout tous les fonctionnaires. Ce régime, totalement piloté par l’Etat, engloutit d’emblée tous les régimes complémentaires des caisses de retraite de professions libérales (contrairement aux engagements oraux du candidat Macron lors d’un de ses derniers débat télévisé). L’objectif à ce stade de la discussion, est pour le HCRR de comprendre la singularité des professions libérales en matière de retraite et d’étudier les particularités des différents régimes, afin de tenter de rendre le projet de réforme compatible avec les droits existant et acceptable par tous.

Aucune des propositions alternatives que nous avons proposées (cotisations au Régime Universel avec un taux adapté aux libéraux sur 1 PASS puis cotisation dans les régimes complémentaires professionnels au delà) comme cela est le cas dans d’autres pays européens, n’ont été étudiées, ni retenues. La seule concession importante, obtenue tardivement, a été le projet de modification de l’assiette sociale.

La base de cotisation de la CSG des professions libérales est actuellement constituée du bénéfice auquel on réintègre toutes les cotisations sociales déjà acquittées (super brut), ce qui fait payer une taxe sur des charges. Pour faire accepter un nouveau taux de cotisation retraite unique de 28,12%, finalement assez vite ramené pour les libéraux à 28,12% sur 1PASS (41000€ environ), puis 12,94 % sur la partie des revenus qui va de 1PASS à 3PASS et 2,81% au-delà (partie non contributive c’est à dire non génératrice de droits, déjà intégrée dans les taux précédents), il a été proposé de créer une nouvelle assiette de cotisation unique pour toutes les cotisations sociales, y compris la CSG. Cette assiette se calcule à partir du super brut auquel on applique un abattement annoncé à 30%, mais dont le taux ne figure pas en clair dans le projet de loi et sera défini par ordonnance.

Cela revient en gros à compenser en partie l’augmentation des cotisations retraite par une baisse de la CSG. La somme totale payée (CSG+ maladie + retraite) est très proche mais l’augmentation des cotisations retraites dans le nouveau régime, génératrice de droits, est alors compensée principalement par une baisse de la CSG.

A partir de l’été 2018, les réunions prévues initialement avec les sections professionnelles ont été suspendues et le HCR a travaillé seul sur l’adaptation de son projet et sur des simulations de retraite, en prenant comme seuls interlocuteurs les syndicats des professionnels libéraux.

La seconde phase de la soi-disant négociation a alors débuté avec les partenaires sociaux, c’est à dire les syndicats, en excluant les responsables des sections professionnelles.

Attitude habile qui permet de diviser pour mieux régner. En effet dans la plupart des PL, il existe plusieurs syndicats de sensibilités politiques différentes qui s’opposent. Chacun cherche à tirer la couverture à soi et les divisions affichées sont un obstacle à tout consensus. La compétition entre les différentes factions est intense et la moindre modification du projet initial proposée par le HCRR est présentée comme une avancée majeure, dont chacun revendique la paternité.

Il n’y qu’à lire les différents communiqués des syndicats des professions de santé sur Twitter pour se rendre compte que la chasse aux cotisants et aux cotisations est déjà ouverte.

La profession vétérinaire fait toutefois exception à cette règle avec un seul syndicat qui très rapidement, a pris le parti de travailler avec les acteurs de la retraite de la profession, considérant son travail de négociateur avec sérieux et engagement.  Un énorme travail a été fourni par les élus de la CARPV avec les représentants du SNVEL afin de les aider à comprendre la complexité et les enjeux du dossier.

Malheureusement, comme précédemment, les rencontres avec le HCR se sont bornées à expliquer la réforme et son bien-fondé aux personnes présentes à la table des négociations, exemples-types chiffrés à l’appui. Il faut à tout prix démontrer que la retraite servie dans le nouveau régime sera bien supérieure à l’ancien système. Tous les moyens sont bons pour arriver aux résultats souhaités : revalorisation de 3,05% par an  (soit 1,30% au-delà de l’inflation) du prix d’achat et du prix de service du point du RU, conformément à l’évolution attendue des salaires selon le COR, ce qui sur 43 ans gonfle les pensions de plus de 50%. Les simulations sont faites à carrière linéaire, alors que nous savons que les revenus des vétérinaires ont tendance à baisser dans les 5 à 7 ans qui précèdent la liquidation de retraite. Les comparaisons du RU sont faites avec des simulations dans le système actuel où l’on abaisse les rendements et où les rentes n’augmentent que de l’inflation. Certaines cotisations dans le système actuel sont surévaluées. La méthodologie des calculs présentés n’est pas détaillée , seul compte le résultat, toujours avantageux pour le RU grâce au travail des services de calculs actuariels du Ministère. Quand on sait que les projections vont jusqu’en 2060, comment croire de telles projections réalistes à un horizon aussi lointain ? Nous avons refait les calculs et avons demandé à un actuaire indépendant son avis sur les simulations proposées. Les résultats sont tout autres : au lieu des 18 à 35% de retraite supplémentaires annoncés par le RU (résultats variables suivant le niveau de revenu du vétérinaire), pour une même cotisation en euros dans les deux systèmes, la retraite acquise dans le RU est inférieure de 22% à celle du système actuel. Toutes les caisses de professions libérales arrivent d’ailleurs à des anticipations de pensions inférieures à celles calculées par le HCR.

Depuis le discours d’Edouard Philippe le 11 décembre, la machine s’emballe soudain. En pleine phase de concertation, le gouvernement envoie en urgence (le 11 janvier 2020) le projet de loi cadre de la réforme, déjà tout ficelé, aux différents organismes de retraite, qui doivent transmettre leur avis avant la réunion du Conseil d’Etat le 21 janvier.

Le temps presse pour le gouvernement, il ne faut pas que la contestation s’étende, il faut agir vite, Le Premier Ministre vient d’offrir une petite concession aux syndicats de salariés pour apaiser le climat social détestable de ce début d’année en retirant la notion d’âge pivot. Mais ne nous leurrons pas : cet âge pivot (mesure qui ne nous concerne quasiment pas puisque la majorité des vétérinaires liquident leur retraite vers 64,5 ans) n’a pas disparu du texte. Il est juste ajourné pour quelque temps, pendant les 3 mois où les partenaires sociaux devront trouver des solutions au déficit de la branche retraite. Il a d’ailleurs changé de nom pour devenir « âge d’équilibre ».

Nous ne nous étendrons pas sur ce projet de loi « à trous » qui nous a été transmis. Rien n’est prévu avec précision pour l’assiette de cotisation, la période de transition, la gouvernance ou le pilotage : tout se décidera par des décrets ou des ordonnances, pris par le gouvernement. Lors d’un conseil d’administration extraordinaire à la CNAVPL, convoqué en toute hâte le 16 janvier pour répondre à la saisine de notre tutelle, les administrateurs a donné un avis majoritairement défavorable sur le texte, les représentants syndicaux de l’UNAPL se sont abstenus, ceux de la CNPL ont votés contre le projet. La CARPV comme de nombreuses caisses de libéraux a donné un avis défavorable, à l’unanimité.

Il n’est pas envisageable, selon nous, d’accepter de signer un chèque en blanc et de donner un avis favorable à un texte de loi incomplet que nos gouvernants pourront arranger ensuite à leur gré.

Ces avis ne changeront toutefois probablement rien au projet. La poursuite de l’opposition au projet de loi passera à présent par la voie parlementaire, qui seule pourra peut-être faire bouger les lignes au travers d’amendements proposés par les députés et sénateurs opposés à la réforme.

Remarquons que le Conseil d’Etat lui-même est très critique sur ce projet de loi, mettant en doute sa constitutionnalité mais cet avis aura peu de conséquences.

La dernière séance de négociation avec le HCR (21 janvier 2020) semble indiquer quelques assouplissements : si le cadre de la réforme ne change pas, les services de l’Etat ne sont plus aussi rigides sur le sujet de la disparition des caisses de libéraux. Ils semblent s’être aperçus qu’ils pourront difficilement se passer de leurs compétences techniques en matière de calcul et de liquidation de retraite des régimes existants, ainsi ne seraient-elles plus amenées à disparaître prochainement, d’autant qu’il n’est plus désormais question de transformer les droits acquis dans le régime actuel en points de RU : trop compliqué et sujet à contestation. Il est donc prévu que tous les droits acquis dans le régime actuel soient liquidés par les régimes existants jusqu’à extinction des derniers retraités. Les réserves financières resteront acquises à la profession mais les modalités de leur utilisation ne sont pas encore clairement définies.

Qu’il est loin le régime unique qui devait apporter une simplification et une lisibilité de la retraite pour tous les citoyens. Nous avions 42 régimes, nous en auront désormais 43 avec la création de la CNRU (Caisse Nationale du Régime Universel) chargée de piloter le SUR (Système Universel de Retraite), deux nouveaux acronymes à connaitre.

Notre syndicat appellera t-il la profession à se mobiliser contre la réforme ? Cela dépendra peut-être du résultat du sondage qu’il a réalisé sous forme dématérialisée.

Qu’en sera-t-il de la gouvernance de nos régimes, même si l’on suppose que la CARPV pourra rester opératrice pour les vétérinaires libéraux, et cela pour le compte de la Caisse Nationale du Régime Universel (CNRU) ?

Un comité de Protection Sociale des Professionnels Libéraux (CPSPL) sera  créé et géré par le groupement syndical le plus représentatif chez les libéraux, qui aura pour mission de coordonner la gestion des prestations retraite, l’action sociale et le régime invalidité-décès. Adieu la gouvernance des régimes par des confrères élus démocratiquement où siégeaient cotisants et retraités (les grands oubliés de la réforme qui n’ont plus droit au chapitre). Espérons que cette nouvelle entité saura s’appuyer sur la longue expérience des caisses dans ces domaines et qu’elle saura leur conserver une autonomie suffisante.

 Le futur système universel sera donc étatique, le Parlement et le Gouvernement y seront tout puissants. Seules certaines professions à très haut revenus garderont peut-être un régime supplémentaire professionnel. Nous ne disposerons plus d’un système de retraite à la carte, dans lequel nous pouvions réduire notre activité professionnelle en fin de carrière, tout en continuant à acquérir un nombre important de points par le biais d’une surcotisation volontaire. Quant au CPSPL, quelle place sera réservée aux représentant syndicaux de notre profession au sein d’une organisation dans laquelle les puissants syndicats médicaux se déchirent, en se préoccupant surtout de leurs intérêts corporatifs ?

Nous vous invitons à suivre régulièrement la page d’accueil de notre site internet sur laquelle nous essayerons de vous tenir au courant régulièrement des avancées concernant cette réforme. Soyez assurés que l’ensemble de vos élus de la caisse autonome et du syndicat sont mobilisés pour défendre au mieux vos intérêts.